Personne ne remet en question la légitimité de l’élection du maire de Granville. Les citoyens ont voté. Les programmes et les personnalités des candidats étaient suffisamment différents pour que les électeurs aient pu faire leur choix. La démocratie d’élection, c’est le pouvoir des urnes. L’ambiguïté d’un maire se déclarant de gauche et poursuivant obstinément les projets de son prédécesseur de « centre-droite » continuera de produire ses effets nuisibles pour la vie de la cité: la mauvaise conscience nourrit l’agressivité et suscite la violence.
La démocratie d’action expose les élus et leurs personnalités à l’épreuve du pouvoir. Confrontés à la complexité des situations et au caractère imprévisible des évènements, l’élu peut considérer que « parce que je suis élu, j’incarne la volonté générale ». C’est, alors, considérer que la démocratie est un chèque en blanc. Dans une république rassemblant des citoyens instruits et éclairés, la démocratie impose une démultiplication des instances de pouvoir et de contrôle ouverts à tous aux fins d’invention et de régulation démocratique.
La captation du pouvoir au bénéfice de la partie majoritaire (d’un moment) de l’électorat obéit à une stratégie de division entretenant les tensions de la période électorale. Le maire ne s’est-il pas présenté comme celui de tous les granvillais, le soir de son élection ? Au lieu de rassembler les citoyens en pariant sur leur intelligence, sur leur soucis de l’intérêt général et du bien commun, la captation partisane du pouvoir déresponsabilise les individus et cultive la défiance.
La démocratie locale à moins de n’être que façade est une expérimentation de la démocratie d’action dont la légitimité est constamment à construire. Elle est volonté politique de constituer des majorités qualifiées pour enrichir le débat public en prenant en considération la diversité des positions et des propositions au-delà des considérations électoralistes et partisanes. Elle doit permettre à tous les citoyens de pouvoir débattre publiquement et sereinement des problèmes de la cité ; la presse doit pouvoir rendre compte librement de ces débats. C’est de cette façon que certains maires, trop rares, marquent l’histoire de la cité.
En effet, la démocratie n’est pas seulement du coté d’un pouvoir représentatif qui serait seul légitime. Dans une commune, comme dans une nation, le peuple est constitué des citoyens qu’il s’agit de mobiliser et de responsabiliser pour parvenir à une société civile organisée. A l’encontre du passage en force et de la culture du secret, la démocratie d’action tient à la recherche constante du compromis démocratique. Elle n’est considérée comme une marque d’affaiblissement ou de faiblesse que par ceux qui, vivant dans la crainte du débat par déficit de convictions profondes, manquent à la fois de courage et de lucidité.
Yann Le Pennec